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La crise au Liban de 2019

Janis Klat

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(Photo: Mahdi Shojaeian, Mehr News Agency)

Ce sujet me tient à cœur puisque je suis d’origine libanaise. Je suis née au Liban, le Pays du Cèdre, et j’ai vécu pratiquement toute ma vie là-bas. Cette crise a affecté mon entourage, mes amis, ma famille et tout le peuple libanais. Aujourd’hui, je vous parle depuis Madrid puisque j’ai quitté le Liban en 2020 à cause de cette même crise.

Pour mieux comprendre la chute du Liban, retournons en arrière. De 1975 à 1990 une guerre civile s’est déroulée au Liban. Et donc pour résumer, le camp chrétien était en conflit avec le camp musulman. En effet, ce tout petit pays du Moyen Orient est connu car y cohabitent plusieurs religions. Mes deux parents ont subi cette même guerre et ont dû quitter le pays. Des dizaines d’années plus tard, en 2006, après la naissance de mon grand frère, mes parents ont décidé de retourner au Liban et puis 3 ans plus tard c’est là que je suis née. 

La crise du Liban a débuté la nuit du jeudi 17 octobre 2019. Dans un pays où dix-huit communautés confessionnelles vivent ensemble, c’était la première fois qu’on voyait les chrétiens, les musulmans et les druzes se réunir pour manifester contre la corruption, l’ignorance, et le manque d’efficacité de l’état libanais.

Les politiciens au Liban ont été accusés d’avoir volé de l’argent du pays, d’avoir donné des emplois et des avantages à leurs proches ou à leur famille plutôt qu’aux personnes vraiment méritantes.  On les a accusés aussi d’avoir mal géré le pays, d’avoir menti et détruit le système bancaire à tel point que plus de 500.000 personnes attendent depuis cinq ans que leur compte en banque soit débloqué. La décision du gouvernement libanais prise le 7 mars 2020 d’arrêter de payer une échéance de 1,2 milliards de dollars de dettes mettait le pays immédiatement en défaut de paiement pour la première fois.

Plus tard les manifestations se calment mais l’économie souffre de plus en plus. Il faut savoir qu’au Liban deux monnaies différentes sont utilisées: la livre libanaise et le dollar américain. La banque nationale doit donc garder une parité de taux de change entre le dollar américain et la monnaie locale, mais dans un pays de corruption cet équilibre entre ces deux monnaies est sujet à manipulations, surtout quand il y a un grand manque de dollar américain. 

On peut dire que le Liban survivait grâce à l’aide internationale, ce qui mine l’autorité du gouvernement national qui n’arrive pas à – ou refuse de – subvenir aux besoins de ses citoyens. En plus, le Hezbollah, un parti musulman chiite d’idéologie iranienne, gère les institutions sociales, éducatives, sanitaires et religieuses au Liban. L’aide de l’étranger a été coupée et le manque de dollar résultant a déclenché une hausse importante d’inflation dans le pays qui a appauvri toute la population. 

Ensuite, le 21 février 2020, le premier cas de Coronavirus est apparu au Liban. Ainsi, en plus de la crise dont souffrait le peuple, l’apparition de ce nouveau virus a provoqué encore plus d’instabilité économique au Liban.

Je me rappelle que le premier cas avait été détecté à l’aéroport, à ce stade personne ne prenait le virus au sérieux. Il y avait comme une petite panique ironique, beaucoup pensaient qu’il s’agissait d’une nouvelle manipulation de la part du gouvernement, un jeu dans le jeu, pour stopper les manifestations dans le pays. Mais plus tard, les écoles et les commerces ont fermé et on s’est retrouvé confiné à la maison alors qu’il n’y avait qu’entre 20 à 60 cas par jour. 

Le COVID-19 a été un obstacle majeur pour le Liban pour plusieurs raisons. Tout d’abord, avant la pandémie, le système de santé libanais était déjà fragile en raison de la crise économique et politique. L’arrivée du COVID-19 a aggravé la situation.

De plus, les mesures de confinement et de distanciation sociale ont entraîné une baisse de l’activité économique, fragilisant encore plus une économie déjà précaire. De nombreuses entreprises ont dû fermer, entraînant une augmentation du chômage et une diminution des revenus pour de nombreux Libanais.

Mais le pire était encore à venir. Le 4 août 2020, une énorme explosion a secoué le port de Beyrouth.  Ce jour-là, des tonnes de nitrate d’ammonium mal stockées depuis des années ont explosé, détruisant une grande partie de la capitale. L’explosion a fait plus de 200 morts, des milliers de blessés et des centaines de milliers de personnes se sont retrouvées sans maison. Cette catastrophe a été le symbole de la négligence et de la corruption du gouvernement libanais. Ce jour-là, le Liban tout entier a pleuré, et nos différentes souffrances et crises (sociale, économique, politique) ont éclaté au grand jour pour le monde entier.

Pour moi, c’était le moment où j’ai compris que rien ne serait plus jamais comme avant.

Cette explosion a laissé une cicatrice profonde dans le cœur de chaque Libanais. Depuis, le pays essaie tant bien que mal de se reconstruire, mais encore aujourd’hui, en 2025, les traces de cette tragédie et de la crise sont toujours visibles. Le peuple libanais continue de se battre chaque jour, avec courage et espoir, pour retrouver la lumière après tant d’années de souffrance.

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